Lancement du programme scientifique de la chaire Aging UP!

Comment vit et se développe une chaire de recherche ? Quelles sont les activités des porteurs de cette chaire ? Quel est l'intérêt de suivre les avancées mondiales sur un sujet de recherche et d'échanger avec ses pairs ? Nous prenons des nouvelles du Pr Thomas Rapp et de la chaire Aging UP ! déjà soutenu par les Mutuelles Axa.

Les mutuelles Axa soutiennent la chaire Aging UP ! depuis quelques semaines. Qu’avez-vous déjà pu mettre en place grâce à ce mécénat ? Quelles sont les étapes à venir ?

Le financement des mutuelles Axa nous a permis de lancer pleinement le programme scientifique de la Chaire, sur deux aspects. D’une part, nous avons procédé à plusieurs recrutements. Nous avons recruté la secrétaire générale de la Chaire, Sonia Emprin, qui a pris ses fonctions au mois d’avril et assure le fonctionnement opérationnel et de la coordination du programme scientifique de la Chaire. Nous avons également recruté trois postdoctorants, Anaïs Cheneau, Thomas Blavet et Aimée Kingsada. Chacun d’entre eux va mener des travaux de recherche sur l’organisation des soins du grand âge, la prévention, le recours aux nouvelles technologies, et le financement.

D’autre part, nous avons commencé à travailler sur le premier volet de l’enquête AgingUP!, qui sera menée sous la responsabilité du directeur scientifique de la Chaire, Jonathan Sicsic. Cette enquête a pour objectif de mieux comprendre quelles sont les attentes des français face au vieillissement. Pour cela, nous allons mesurer à l’aide de méthodes dites « des choix discrets » les préférences de plus de 6 000 personnes, qui seront sondées en 2023, 2024, et 2025. Nous avons commencé à bâtir la structure du questionnaire, à partir d’une revue systématique de la littérature. Cette enquête, dédiée à l’étude des préférences des personnes confrontées aux problématiques du grand âge et de l’autonomie, est la première du genre en Europe. Elle va nous permettre de mesurer si les solutions actuellement mises en œuvre en France répondent aux attentes des personnes, ce qui est essentiel pour mettre en œuvre une politique de l’autonomie centrée sur les intérêts des séniors et de leur entourage.

 

2/ Quelles sont vos activités à l’international en ce moment ? En quoi est-ce important pour la vie de la chaire et l’état de vos recherches ? Qu’est-ce que cela apporte concrètement ?

Le programme de travail de la Chaire est international, car les problèmes liés au vieillissement sont globaux. Nous menons plusieurs travaux sur le plan international, principalement en Europe et aux Etats-Unis.

Nous sommes en train de publier l’évaluation économique du projet européen SPRINTT, avec notre collègue Americo Cicchetti, professeur à l’Università Cattolica del Sacro Cuore de Rome. Nous explorons l’impact économique d’une intervention qui a permis de réduire les risques de fragilité de personnes âgées de plus de 70 ans dans 11 pays européens. L’objectif est de documenter l’efficience des mesures de prévention de la fragilité.

Nous travaillons également avec Joan Costa-i-Font, professeur à la London School of Economics, ainsi qu’avec Anupam Jena et David Grabowski, professeurs à Harvard, sur une série d’articles qui explorent l’influence des structures familiales sur les décisions de recours aux soins du grand âge. Nous montrons en particulier dans ces travaux que plusieurs années après leur introduction, certaines politiques familiales (congés parentaux, introduction de la pilule contraceptive etc.) peuvent avoir un impact sur l’organisation des soins du grand âge au sein de familles, qui n’avait pas été anticipé. Ces travaux permettent de comprendre qu’il faut travailler sur une meilleure articulation entre les politiques du grand âge et les politiques familiales.

Enfin, nous travaillons avec plusieurs équipes américaines sur l’étude des « besoins non ouverts » observés chez certains séniors confrontés à la perte d’autonomie. Nous participons au projet « Living Alone with Cognitive Impairment » mené par les professeures Elena Portacolone et Jacqueline Torres à l’University of California in San Francisco, qui explore cette question chez les personnes atteintes de déclin cognitifs. Nous menons aussi des travaux avec l’université de Columbia, où je vais effectuer un séjour de recherche comme professeur invité au mois de juillet, pour explorer si nos politiques du grand âge couvrent efficacement les besoins des séniors fragiles. Ce séjour va aussi représenter une occasion unique de renforcer notre collaboration avec l’équipe du professeur Linda Fried, pionnière dans les travaux sur la fragilité.

Toutes ces collaborations, réalisées auprès des meilleures équipes européennes et américaines, nourrissent le programme scientifique de la Chaire, et favorisent le rayonnement de nos travaux de recherche.

 

Quelles sont les différences entre le système français et le système américain au niveau de votre thématique de recherche qui porte sur les conséquences économiques du vieillissement, l’efficacité des politiques du grand âge, et l’organisation de l’offre de soins ? Est-ce une source d’inspiration ?

Les collaborations internationales menées dans le cadre de la Chaire AgingUP! nous permettent d’envisager de nombreuses solutions aux problèmes soulevées par le vieillissement. En effet, les analyses comparatives sont toujours pertinentes. Il y a plusieurs différences entre les Etats-Unis et l’Europe, liées à la prise en charge et aux conditions d’éligibilité aux aides publiques. Les travaux de l’OCDE montrent que contrairement à une idée largement répandue, certains États américains comme la Californie sont plus généreux et innovants que la France pour la prise en charge des besoins au domicile. Par ailleurs, on peut tirer de très nombreux enseignements de plusieurs programmes actuellement menés aux Etats-Unis pour améliorer la transparence et le suivi de la qualité des soins dans le secteur du grand âge.

 

Les conséquences économiques du vieillissement, mesurer l’efficacité des politiques du grand âge, en quoi ces sujets animent-ils les jeunes doctorants ?

Nous avons reçu de très nombreuses candidatures d’excellent niveau pour les postes ouverts au sein de la Chaire, ce qui montre un intérêt croissant des jeunes chercheurs pour les questions liées au vieillissement. C’est une très bonne nouvelle, qui s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, les problématiques liées au vieillissement touchent à de nombreuses disciplines des sciences économiques : économie du travail, économie de la santé, économie des organisations etc. Ensuite, nous disposons de très nombreuses bases de données qui offrent des possibilités d’analyse très variées. Enfin, le thème du vieillissement est par nature pluridisciplinaire, ce qui permet d’envisager des collaborations et des échanges avec des médecins, des sociologues, des épidémiologistes etc.

A cette grande richesse s’ajoute l’importance du thème du vieillissement dans l’actualité, dont les enjeux sociétaux interpellent les jeunes chercheurs. Par exemple, l’une de nos doctorantes, Astrid Bertrand, travaille depuis plusieurs mois sur la question de la qualité de soins en EHPAD, et cherche notamment à identifier l’impact de l’ancienneté des travailleurs sur la qualité.

L’engouement et l’enthousiasme des jeunes chercheurs pour les problématiques liées au vieillissement est un élément moteur de la Chaire, dont le programme de recherche s’inscrit sur une perspective longue !