Coup de projecteur sur les anatomo-pathologistes à l’occasion de la journée mondiale contre le cancer

A l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, nous mettons un coup de projecteur sur les anatomo-pathologistes, une profession essentielle dans la pause du diagnostic de cancer et pourtant un métier souvent mal connu. La Fondation donne aujourd’hui la parole à une femme médecin, engagée, le Pr Cécile Badoual, cheffe du service d’anatomo-pathologie à l’hôpital européen Georges Pompidou et spécialiste du HPV, le papillomavirus humain.

Bonjour Cécile, pouvons-nous aujourd’hui associer cancers gynécologiques et prévention ? En d’autres termes, certains types de cancers pourraient ils être évités et comment ?

Cécile Badoual : Oui, en effet la prévention est essentielle dans le domaine de la santé et en particulier en cancérologie. Ainsi l’OMS, en 1948, a établi que « la prévention est l’ensemble de mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». Il existe donc une prévention primaire, qui prévient le risque de cancer et donc agit sur les facteurs de risque (pour les cancers liés à un virus : empêcher l’infection), une prévention secondaire qui permet de détecter des anomalies ou les pré-cancers le plus vite possible pour proposer rapidement des traitements efficaces (pour les cancers du col de l’utérus : frottis, biopsies) et enfin une prévention tertiaire pour empêcher la récidive du cancer. On comprend bien qu’en agissant sur ces 3 étapes de la prévention une très grande partie des cancers seraient évitables.

Quels sont les différents types de cancer que peut provoquer le HPV ?

Cécile Badoual : Les cancers qui sont induits par une infection par HPV sont les cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin mais aussi certains cancers de l’oropharynx (fond de la gorge) et de l’anus.

Le HPV touche-t-il l’homme et la femme sans distinction de genre, sans différence socio-économique ou bien géographique… ?

Cécile Badoual : Les cancers de l’oropharynx sont principalement diagnostiqués chez les hommes, et en particulier chez ceux qui ont un haut niveau socio-économique. Les cancers de l’anus sont observés plus fréquemment chez les femmes, même la population des hommes ayant des rapports avec des hommes est particulièrement à risque. Les patients et les patientes immunosupprimés sont plus à risque de faire un cancer HPV induit. Comme dit précédemment, il existe des cancers HPV-induits dans la sphère génitale. Les cancers du col de l’utérus sont secondaires à quasiment 100% à une infection par HPV. En France la prévention (test HPV, frottis, examen clinique) permet, même si elle pourrait être plus efficace, d’éviter le développement de certains cancers. Dans les pays où cette prévention est limitée ou absente les cancers de l’utérus sont la seconde cause de cancer chez les femmes jeunes.

Nous entendons beaucoup parler d’immunothérapie, ce type de traitement peut-il soigner et guérir les cancers gynécologiques/ les cancers des voies aéro-digestives supérieures ?

Cécile Badoual : De très nombreux protocoles sont en cours et des données très intéressantes permettent d’identifier les cancers qui pourraient être traités par immunothérapie. Le plus souvent c’est l’association de l’immunothérapie à d’autres traitement comme la chimiothérapie et la radiaothérapie qui est encore plus efficace.

Anatomo-pathologiste, est-ce une profession en pleine mutation avec l’intelligence artificielle ? A terme est-ce une spécialité qui pourrait disparaître ?

Cécile Badoual :  Les anatomo-pathologistes (ou pathologistes) sont des médecins de l’ombre et pour autant indispensables à la bonne prise en charge des cancers. Nous recevons les pièces opératoires, les examinons, les préparons pour pouvoir les observer au microscope, ou maintenant sur lames virtuelles (et donc sur un écran). L’arrivée dans les laboratoires d’algorithme d’Intelligence Artificielle va permettre de pouvoir améliorer les performances des pathologistes et leur permettre de réaliser moins de tâche a valeur ajoutée médicale limitée. En France, la densité moyenne nationale d’anatomo-pathologiste est de 2,36 pathologistes pour 100.000 habitants, alors que les besoins ne cessent de croître avec de multiples missions diagnostiques, pronostiques, prédictives, épidémiologiques, de recherche et d’archivage. Le pathologiste va devoir s’adapter, c’est certain, mais sa disparition n’est pas prévue !

Si vous deviez associer un mot à cette journée mondiale de lutte contre le cancer, quel serait-il ?

Cécile Badoual : Information/Education