[SAUVER LA VIE 2023] Caractérisation phénotypique rénale et vasculaire des patients atteints du syndrome email/rein dû à un variant pathogène du gène FAM20A et étude physiopathologique des calcifications ectopiques

Rencontre avec le Dr Elise Bouderlique- Service de Physiologie - Explorations fonctionnelles, HEGP, AP-HP

Quel est le contexte général qui a donné naissance à ce projet ?

Les patients atteints du syndrome email/rein*, maladie rare de transmission autosomique récessive due à des variants pathogènes du gène FAM20A codant pour la Golgi associated secretory pathway pseudokinase, présentent des anomalies dentaires invalidantes et une néphrocalcinose sans hypercalciurie dont la physiopathologie et les conséquences rénales ne sont pas connues. Il est supposé́, sur la base de l’homologie de séquence des différents membres de la famille FAM20, que FAM20A soit une kinase additionnelle dont les cibles spécifiques sont impliquées dans les processus de minéralisation et/ou les transports de calcium et la synthèse de protéoglycanes. A noter que, dans le rein, FAM20A est exprimée par le canal collecteur médullaire. Les souris déficientes pour Fam20a présentent, comme les patients, des anomalies dentaires et des calcifications rénales, mais aussi des calcifications des parois artérielles mais le phénotype vasculaire des patients n’a jamais été décrit.

*le syndrome email/rein est une maladie génétique rare caractérisée par :

  • des anomalies bucco-dentaires avec notamment un développement insuffisant de l’émail dentaire d’origine génétique
  • une néphrocalcinose (des dépôts de calcium au sein du parenchyme rénal, le tissu fonctionnel du rein).

En quoi consiste votre projet ? 

Notre projet a plusieurs objectifs : 1) la caractérisation du phénotype rénal et vasculaire de 15 patients adultes avec atteintes dentaires, néphrocalcinose et mutation de FAM20A documentées en les comparant à 15 volontaires sains appariés pour l’âge et le sexe

2) l’identification de mécanismes – candidats permettant d’approcher la physiopathologie des calcifications ectopiques grâce à l’étude du protéome et du métabolome urinaire et au dosage des inhibiteurs plasmatiques de la bio minéralisation.

En quoi est-ce innovant ?

Il s’agit de la première étude clinique prospective visant à caractériser l’atteinte rénale et à décrire la potentielle atteinte vasculaire des patients avec mutation de FAM20A. A l’heure actuelle, l’analyse de la littérature ne rapporte que la description de quelques cas cliniques concernant l’atteinte rénale.

Il n’existe aucune piste physiopathologique concernant le phénotype rénal très spécifique de ces patients qui, de façon étonnante, des calcifications rénales médullaires mais une calciurie non augmentée. Notre étude est, à notre connaissance, la première à s’intéresser à ce sujet et à celui des calcifications vasculaires potentielles.

Quel peut-être l’impact d’un tel projet ? 

A l’échelle sociétale, notre projet s’intègre dans plusieurs objectifs du PNMR 3* :

1- Impulser un nouvel élan à la recherche sur les maladies rares, ce que permettra notre étude par une meilleure caractérisation phénotypique et physiopathologique de cette maladie rare systémique.

2- Favoriser l’émergence et l’accès à l’innovation. La compréhension physiopathologique est un pré requis à l’innovation thérapeutique, actuellement inexistante dans cette pathologie.

3- Améliorer le parcours de soin. La caractérisation phénotypique de nos patients permettra d’adapter leur suivi et leur prise en charge de façon raisonnée et argumentée

4- Former les professionnels de santé et sociaux à mieux identifier et prendre en charge les maladies rares. La publication de nos résultats contribuera à cet objectif.

5- Il est également précisé dans le PNMR3, la nécessité de « Conforter le rôle moteur de la France dans la dynamique européenne », ce que nous nous attachons à faire en proposant une étude novatrice impliquant plusieurs équipes d’Université Paris Cité.

*Plan National Maladies Rares année 3. En Europe, les maladies rares concernent environ 25 millions de personnes. Depuis 2004 et le lancement de 3 plans successifs, la France a mis en place un dispositif unique pour accompagner près de 3 millions de nos concitoyens atteints par une maladie rare et leur entourage.

Quels sont les bénéfices à court/moyen/long terme sur la (les) population(s) ciblée(s) ?

Pour les patients, ce projet permettra de modifier la prise en charge en intégrant :

–  A court terme : une prise en charge pluridisciplinaire précoce des patients qui sont à l’heure actuelle uniquement suivis pour leur atteinte dentaire, avec un suivi rénal et vasculaire non codifié, compte-tenu de connaissances limitées concernant les atteintes extra dentaires dans cette pathologie.

–  A moyen terme : la compréhension des mécanismes physiopathologiques impliquées dans les calcifications ectopiques

–  A long terme : la possibilité de pistes thérapeutiques spécifiques, jusqu’à présent inexistantes, le seul traitement proposé actuellement consistant en une prise en charge esthétique et fonctionnelle des anomalies dentaires mais aussi le bénéfice attendu d’un dépistage précoce d’une atteinte rénale et/ou vasculaire avec mise en place d’un suivi ultérieur dans des centres spécialisés.