[SAUVER LA VIE 2023] Caractérisation de la stéroïdogénèse des tumeurs de la corticosurrénale par la confrontation des profils stéroïdiens sériques et tumoraux aux données du transcriptome tumoral 

Rencontre avec Dr Fidéline Bonnet-Serrano - Service de Génomique et Signalisation des Tumeurs Endocrines, Institut Cochin – Université Paris Cité

Quel est le contexte général qui a donné naissance à ce projet ?

Les différents types de tumeurs de la corticosurrénale* (bénignes, malignes, unilatérales et bilatérales) se caractérisent pour la plupart par des anomalies de la stéroïdogenèse surrénalienne plus ou moins symptomatiques et plus ou moins évidentes sur les dosages biologiques réalisés en routine. En effet, les dosages de stéroïdes réalisés classiquement sur le plasma ou dans les urines ne représentent qu’un reflet indirect du processus de stéroïdogenèse à la fois surrénalienne et gonadique.

*La corticosurrénale fabrique trois types d’hormones. Le cortisol, hormone du stress par excellence, intervient dans le métabolisme des glucides, des lipides, des protéines et l’inhibition de certaines réponses immunitaires. L’aldostérone s’occupe de gérer les mouvements de sodium et de potassium  au niveau du rein. Les androgènes sont des hormones sexuelles, impliquées notamment dans le développement de la pilosité. Les hommes possèdent une sécrétion supplémentaire d’androgènes grâce à leurs testicules, ce qui explique leur pilosité plus développée.

En quoi consiste votre projet ? 

Notre projet a pour but d’étudier la stéroïdogenèse* surrénalienne dans les différents types de tumeurs de la corticosurrénale à l’aide des échantillons biologiques et tissulaires disponibles dans le cadre de la collaboration de notre unité avec le service Endocrinologie de l’Hôpital Cochin, centre de références des maladies de la surrénale. Les données des profils stéroïdiens sériques et tissulaires (LC-MS/MS) seront confrontées au transcriptome tumoral déterminé en RNA Seq, à la recherche de nouvelles signatures.

* La stéroïdogenèse est un processus biochimique complexe qui se déroule principalement dans les surrénales et les gonades. Elle consiste en différentes étapes de conversion enzymatique à partir du cholestérol pour aboutir à la production des principaux stéroïdes bioactifs. Ces hormones stéroïdiennes jouent un rôle essentiel dans diverses fonctions biologiques, telles que le métabolisme énergétique, l’équilibre hydrosalin, la reproduction, la croissance et la réponse au stress. La régulation de la stéroïdogenèse est donc cruciale pour assurer le bon fonctionnement de l’organisme.

En quoi est-ce innovant ?

La caractérisation de la stéroïdogenèse des tumeurs de la corticosurrénale* s’est jusqu’à présent basée sur des approches indirectes qui présentent plusieurs inconvénients : d’une part, l’absence de distinction entre la participation relative des surrénales et des gonades aux taux circulants mesurés et d’autre part, l’impossibilité d’étudier spécifiquement la synthèse de stéroïdes par les cellules tumorales indépendamment des processus de sécrétion et du catabolisme secondaire de ces molécules. Nous avons récemment mis au point une méthode d’extraction des stéroïdes directement à partir du tissu surrénalien qui nous permet de déterminer le profil stéroïdien intratissulaire. Les premiers résultats obtenus sur différents types de tumeurs de la corticosurrénale sont prometteurs. Cette approche constitue réellement une mesure inédite de la production de stéroïdes par les cellules corticosurrénaliennes.

*Les tumeurs de la corticosurrénale peuvent être à l’origine de troubles endocriniens de type : syndrome de Cushing (excès de cortisol responsable d’une obésité facio-tronculaire et d’un syndrome métabolique associés à des signes hypercataboliques : amyotrophie, fragilité cutanée,…), hyperaldostéronisme primaire (responsable d’une hypertension artérielle associée à une hypokaliémie) et d’une hyperandrogénie (acné, hirstutisme,…).

Quel peut-être l’impact d’un tel projet ? 

Étudier ces nouveaux dosages et les confronter au transcriptome tumoral devrait permettre d’identifier de nouvelles signatures tumorales. Notre objectif est de développer dans un second temps de nouveaux biomarqueurs diagnostiques et/ou pronostiques des différents types de tumeurs de la corticosurrénale, facilement accessible en routine. Une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine de l’hypersécrétion de stéroïdes par la tumeur devrait également permettre d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques avec la perspective de développer de nouvelles molécules à visée anti-sécrétoire. Par ailleurs, cette méthode de dosage de stéroïdes intra-tissulaires pourrait également être appliquée à d’autres

lésions tumorales, en particulier les cancers hormono-dépendants comme le cancer de la prostate avec en perspective une meilleure compréhension des mécanismes de résistance à l’hormonothérapie.

Quels sont les bénéfices à court/moyen/long terme ?

A court terme : identification de biomarqueurs diagnostiques et/ou pronostiques des différents types de tumeurs de la corticosurrénale.

A moyen terme : développement de nouvelles molécules à visée anti-sécrétoire

A long terme : application de la méthodologie à d’autres types de lésions tumorales (cancers hormono-dépendants)