Le FUPmaton du Pr Guillaume Assié

La chaire IA en Santé

Bonjour Guillaume, comment vous est venue l’idée de cette chaire ?

-Du constat de la séparation des mondes en Santé, avec d’un côté le monde du soin « au lit du malade » ; de l’autre le monde des technologies de numérisation massive, et le monde du règlementaire, et l’entreprise.

– De la conviction de l’importance de la révolution (inéluctable) du numérique en santé

Bref, constat d’un vide dans l’écosystème : l’interface centrée sur la santé ! D’où notre initiative interdisciplinaire, avec au centre, les patients et les soignants, à gauche les mathématiques et l’informatique, à droite l’éthique le légal et l’entrepreneuriat. Et notre environnement universitaire foisonne de talents, couvrant largement ces trois jambes de l’IA en Santé. Nous avons rapidement constitué un comité de pilotage représentant à parts égales ces trois entités à un haut niveau. Travailler au sein de ce comité de pilotage est un réel plaisir, tant sur le plan humain que technique. Ce comité a entre autres missions, en suivant l’axe de l’IA en Santé, d’inclure la diversité de notre université. Et notre université est riche de ces talents.

Vous proposez aux professionnels de s’inscrire à un DU et à des masterclasses, pourquoi cette offre de formation est importante ?

L’interdisciplinarité centrée sur la santé est le credo de ces formations. L’objectif est d’offrir aux professionnels la possibilité d’apprendre à échanger, malgré les différences de pédigrée. Notamment nous permettons à chacun de commencer par constater son ignorance, dans le champ qui n’est pas le sien. Car dans cette affaire, au départ, on ignore qu’on est ignorant. Un exemple : un soignant (ou un spécialiste de l’éthique) sait-il ce qu’est une « régression » en mathématiques? Un mathématicien a-t-il idée qu’on puisse ignorer ce qu’est une régression ? Dès lors que le soignant (ou le spécialiste de l’éthique) est formé au concept de régression, et que le mathématicien a acquis que ce type de notion assez élémentaire n’est en fait pas triviale pour les non mathématiciens, la discussion technique peut s’engager entre le soignant (ou le spécialiste de l’éthique), et le mathématicien. Nos formations juxtaposent ces profils différents dans des situations d’échange les poussant à découvrir le champ de l’autre, à apprendre à interagir dans la différence. Et à réaliser la synergie qui opère quand les différents profils œuvrent dans le même sens, chacun apportant son expertise propre.

L’acculturation des soignants au numérique massif est également essentielle. Sur des formats de formation continue. Car la formation initiale n’insiste (toujours) pas sur la valence numérique. Réciproquement, nous assistons à une orientation croissante des profils au départ non soignants (ingénieurs, commerciaux, juristes) vers le soin, dans une dynamique de quête de sens. Nos formations sont un carrefour de rencontre permettant l’acculturation aux problèmes de soin concrets. Une université comme la nôtre, possède toutes les expertises de la santé, et peut ainsi proposer des formations à tous les niveaux pour tous les domaines de la santé.

Enfin l’acculturation des TOUS les soignants est essentielle : outre les médecins, pharmaciens et dentistes, infirmiers et manipulateurs radio font déjà partie de nos inscrits aux formations, et l’ouverture à d’autres champs paramédicaux nous parait essentielle, notamment par le développement de programmes spécifiques. Notre objectif, c’est de former toute l’équipe soignante. Ne laisser personne sur le bord du chemin est certainement un déterminent majeur du succès du développement de l’IA en Santé.

Pourquoi un soutien financier extérieur à l’université est-il indispensable ?

L’université a ses contraintes, règlementaires et budgétaires. L’indépendance académique est essentielle à respecter. Le soutien financier extérieur a permis l’éclosion « physique » de notre initiative. A travers le soutien de mécènes, et de la région, nous avons pu aménager des locaux, disposer d’un serveur de calcul, recruter des collègues indispensables à la mise en œuvre opérationnelle de ces enseignements originaux (faisant appel à la participation d’acteur externes), et organiser des événements de rencontre favorisant l’échange. Dans une période de contrainte budgétaire majeure, cela change tout ! En outre, les soutiens financiers sont le signe d’une ouverture au–delà du monde académique, qui nous parait essentiel dans la thématique de la numérisation massive en santé. Car l’écosystème, notamment dans ses aspects applicatifs, est à l’essentiel développé en dehors du monde académique.

Depuis le lancement de la chaire en 2020, avez-vous pu opérer un changement d’échelle ? 

D’une certaine manière oui, par la virtualisation forcée liée à l’épidémie COVID-19. Des enseignements comme le DU « IA en Santé » sont devenus mixtes distanciels et présentiels, ce qui facilite la participation de partout sur le territoire. Il nous semble cependant important de nous développer, tant en offre de formation, que de public cible.

Nos formations sont également un lieu de rencontre entre le monde académique, et le monde de l’entreprise. Le développement de l’IA en Santé ne peut s’envisager en séparant ces deux mondes. A travers notre approche interdisciplinaire, des rencontres ont lieu, semant des projets collaboratifs. Nous nous devons favoriser ce processus d’avantage. Par l’échange humain, les rencontres.

Quelles sont les retombées directes pour les patients concernés par ce projet ?

Notre vocation universitaire de formation et de recherche a effectivement des retombées sur les patients et le soin. Je pense que l’essentiel de ces retombées ne sont pas directes, potentiellement pas aussi immédiate qu’une solution à succès d’IA en santé que pourrait mettre en place un industriel. En revanche nos avancées vers les patients s’inscrivent dans un temps plus long. Des exemples : nous participons à la réflexion sur l’encadrement éthique de l’IA en Santé, comme la mise en place de la garantie humaine de l’IA par nos interactions avec Ethik IA. Autre exemple, nous organisons une masterclass éthique ouverte au grand public, car convaincus de la nécessaire implication des citoyens pour une adoption sereine de ces technologies. Au niveau technique, nous assistons à l’émergence de consortia de recherche centrés sur notre chaire, axés sur le traitement des données textuelles ou de l’image, et regroupant toutes les compétances techniques, de soin, et technico-règlementaires. Cette valence de recherche et de communication au grand public commence à émerger, et nous souhaitons que ce développement s’amplifie.

FUPmaton

Parlons de vous maintenant, qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?

S’il fallait ne donner qu’un seul objectif, peut-être un objectif de liberté, liberté de penser, d’apprendre encore et encore, de définir des chemins professionnels nouveaux, de construire des équipes qui ont envie. Dans un monde contraint, peut-être même de plus en plus contraint, une petite touche de liberté est un apport d’oxygène essentiel. A travers les rencontres interdisciplinaires, la nouveauté de l’IA en Santé, cette liberté émerge.

Thé ou café en arrivant à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild ?

Parfois café en fin de matinée, quand je peux !

La dernière chose que vous faites le soir avant de vous coucher ?

Lecture de romans, volontiers historiques ou qui incitent à la réflexion. Pas trop techniques, pas trop « thriller » car les journées sont bien suffisantes de ce côté-là.

Votre passion dans la vie ?

Les sciences et techniques, du plus théorique au plus applicatif, de la science la plus dure aux sciences plus humaines.

Votre meilleur souvenir, partagé avec un patient ?

Il n’y en n’a pas qu’un seul mais des centaines. Tous ont en commun la reconnaissance du patient, ou de sa famille, pour l’équipe.

Le métier que vous vouliez faire petit ?

Sauveur du monde.

Votre credo ?

Le savoir.