[FUPmaton] de Thomas Rapp, Maitre de conférences (HDR) et titulaire de la chaire Aging UP !

Comment prendre en charge la perte d’autonomie ? Comment adapter nos villes aux besoins des aînés ? Le Pr Thomas Rapp est à l’initiative d’un projet de Chaire porté par la Fondation Université Paris Cité.

Le projet de chaire Aging UP !

Comment vous est venue l’idée de la chaire "Aging UP !" ?

Assez naturellement ! Travailler sur le vieillissement est un champ de recherche passionnant, parce que la transition démographique va transformer en profondeur notre société. Le vieillissement pose des défis majeurs à notre système de protection sociale, notre système de santé, et même à nos familles. C’est aussi un domaine de recherche très international, parce qu’il est très instructif de comparer des politiques menées dans différents pays. On trouve d’ailleurs des réseaux de chercheurs internationaux très actifs sur le thème du vieillissement. Enfin, contrairement à une image souvent véhiculée, le secteur du grand âge est très dynamique. Il y a un besoin fort d’explorer l’impact des nouvelles organisations des soins, et d’évaluer l’efficience d’innovations qui s’appuient sur l’intelligence artificielle, le recours aux données de vie réelle etc. Nous travaillons depuis plusieurs mois avec mon collègue Jonathan Sicsic (coordinateur scientifique de la Chaire) et l’équipe du Professeur Friedlander pour bâtir un projet ambitieux, qui s’inscrit dans le prolongement du programme de recherche que je mène depuis plus de dix ans dans notre Université. Notre idée est d’éclairer le débat public en proposant une vision résolument positive du vieillissement. Sur le plan scientifique, nous voulons développer un projet pluridisciplinaire pour favoriser les collaborations entre les chercheurs issus des différentes facultés d’Université Paris Cité.

Vous souhaitez développer des recherches autour de la notion de value-based aging ? En quoi cela consiste concrètement et en quoi est-ce déterminant pour vos travaux et donc pour la société civile ?

La notion de value-based aging est un concept que nous avons introduit avec ma collègue Katherine Swartz, professeure à Harvard. L’idée est d’explorer comment permettre à nos sociétés de retirer la plus grande valeur possible des années vie gagnées depuis 50 ans. Cette approche implique de mieux définir et mesurer le « bien-vieillir », d’évaluer les politiques à travers leur capacité à répondre aux besoins et aux attentes des personnes, et de faire en sorte de privilégier les soins les plus efficients. Ce concept, inspiré des modèles mis en œuvre dans les pays du nord de l’Europe, prône une organisation des aides centrées sur les personnes, pour prévenir la perte d’autonomie. Il s’inscrit dans la lignée des initiatives portées par des grandes organisations internationales comme l’OCDE et l’OMS qui ont pour objectif de remettre les personnes et leur entourage au centre des décisions, et de réduire le recours aux soins dont la valeur n’est pas clairement démontrée.

Vous proposez aux professionnels de s’inscrire à un DU silver économie, pourquoi cette offre de formation est importante ? Et quels professionnels visez-vous à travers cette formation ?

Le DU silveréconomie que nous codirigeons avec Jonathan Sicsic au sein de la Faculté Droit Économie Gestion a pour objectif de proposer à un public de cadres une formation diplômante sur le vieillissement. Le programme couvre les enjeux sociétaux, économiques, juridiques, éthiques, et marketing liés au vieillissement de la population. Les intervenants du DU ont des profils très différents (juristes, économistes, politiques, médecins, chefs d’entreprise, universitaires, etc.), ce qui permet aux étudiants d’avoir accès à des expertises diverses. C’est la première formation universitaire sur ce thème. Elle répond à un besoin fort de formation continue dans un secteur en pleine croissance.

Pourquoi un soutien financier extérieur à l’université est-il indispensable ?

La recherche de financements extérieurs est indispensable pour développer des programmes de recherche ambitieux. Ayant travaillé plusieurs années dans des universités américaines comme l’University of Maryland ou Harvard, j’ai toujours accordé une grande importance à la recherche de « grants ». Par exemple, en 2014, j’ai obtenu un financement important de l’Innovative Medicines Initiative, programme de l’Union européenne visant à développer des projets de recherche d’excellence à partir de partenariats public-privés. J’étais responsable du volet médico-économique d’un projet sur la prévention de la fragilité (SPRINTT), porté par un consortium rassemblant plusieurs universités européennes et industriels, dont le budget total était de 56 millions d’euros pour une durée de 6 ans. Mes recherches ont également été soutenues par des organismes publics, comme par exemple la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et par des financeurs privés, comme par exemple le Commonwealth Fund de New York. L’obtention de ces financements m’a donné une grande liberté d’action, pour recruter des chercheurs postdoctorants, organiser des évènements scientifiques, mais également pour financer des séjours de recherche à l’étranger ou inviter des chercheurs étrangers dans notre Université. Je suis convaincu que ces soutiens financiers extérieurs contribuent au rayonnement scientifique de notre Université.

Quel est l’objectif de votre Chaire et quelles retombées peut-on attendre de vos travaux pour les aînés, les familles, les politiques ?

L’objectif principal de la Chaire est d’apporter un éclairage nouveau et résolument positif aux questions liées au vieillissement. Pour cela, nous travaillons à partir de plusieurs bases de données nationales et internationales, qui nous permettent d’étudier l’impact sociétal du vieillissement et de déterminer quelles politiques ou interventions sont les plus efficaces pour prévenir la perte d’autonomie. Par exemple, nous étudions actuellement avec des collègues d’Harvard et de la London School of Economics de quelle manière les échanges intergénérationnels au sein des familles influencent le recours aux soins des aînés. Nous explorons cette question à partir des grandes cohortes mondiales sur le vieillissement, qui permettent de suivre les familles dans plusieurs pays au cours du temps. Nous espérons que ce travail permettra de mieux comprendre comment les enfants et les petits-enfants s’organisent autour des grands-parents quand ils perdent leur autonomie, et quelles aides sont les plus pertinentes pour les accompagner. Autre exemple, nous venons de publier un article scientifique qui montre que l’âge civil des personnes n’est pas toujours un bon indicateur de leur âge « réel », physiologique ou biologique. Nous montrons que des facteurs comme le revenu ou le niveau d’éducation sont des déterminants forts du décrochage entre l’âge civil et l’âge physiologique des personnes. Les personnes aux revenus les plus faibles ont souvent un âge physiologique très supérieur à leur âge civil, ce qui implique que des politiques publiques guidées par des critères d’âge ne sont pas toujours pertinentes. Nous espérons que les résultats de nos recherches pourront nourrir les débats publics à venir, au moment où il est question de réformer notre système de retraite, et d’organiser le financement du 5ème risque.

Le FUPmaton de Thomas

Parlons de vous maintenant, qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?

Mes quatre enfants, qu’il faut mettre en route pour la journée !

La dernière chose que vous faites le soir avant de vous coucher ?

Ayant encore des enfants petits, je vérifie que tout le monde dort à la maison…

Votre passion dans la vie ?

Mon travail est l’une des grandes passions de ma vie ! 

Le métier que vous vouliez faire petit ?

Je suis issu d’une famille d’universitaires, donc j’ai été plongé dans la marmite très jeune…

Votre credo

Il y a une phrase que j’ai trouvé très juste dans un numéro récent du magazine de la Harvard Medical School : « Aging is a team sport. If you’re playing alone, you’re going to lose. (Dr William Thomas) »