[Appel à Projets Sauver la Vie 2021] Le projet lauréat du Dr Véronique Dubreuil

Le Dr Véronique Dubreuil, Maitre de conférences, faculté de Sciences, UFR Sciences du Vivant nous parle de son étude à visée diagnostique du potentiel des acteurs du stress dans la détection précoce des troubles neuro développementaux (TND)

Quel est le contexte général qui a donné naissance à ce projet ? 

Notre équipe s’intéresse depuis longtemps aux mécanismes qui contrôlent le développement du cerveau, et qui, quand ils sont perturbés par des stress génétiques ou environnementaux, peuvent causer des troubles neurodéveloppementaux (TND). Les TND regroupent un large spectre de pathologies qui engendrent des conséquences à vie, et induisent un coût humain et sociétal important, il est donc nécessaire de mieux les comprendre pour proposer des solutions thérapeutiques et diagnostiques. Les TND ont des origines diverses, génétiques et/ou environnementales (telle que l’exposition gestationnelle à des toxiques comme l’alcool), cependant, nous et d’autres équipes de recherche, avons identifié, dans diverses TND, des dérégulations d’acteurs moléculaires des voies du stress, sous-tendant certains défauts neurodéveloppementaux. Nous avons développé un modèle d’étude des TND, à partir de cellules de patients (les organoïdes cérébraux, hCOs), qui nous permet par imagerie à haut débit couplée à l’apprentissage profond, d’effectuer un crible pharmacologique des voies du stress pour restaurer les défauts neurodéveloppementaux.

Nous proposons ici d’exploiter ces modèles pour développer un axe diagnostique basé sur la présence des acteurs des voies du stress dans  des particules extracellulaires (les exosomes ou vésicules extracellulaires, VE) issues des hCOs de donneurs sains et de TND.

Pouvez-vous nous présenter votre projet ? 

En premier lieu, ce projet conceptuel et diagnostique vise à caractériser les VE issues de hCOs modélisant des TND, par une approche candidate ciblant les acteurs des voies du stress puis par une approche non biaisée (analyse globale du protéome). Ensuite, par une stratégie de restauration des phénotypes neurodéveloppementaux visant les voies du stress, nous évaluerons son impact sur ces VE afin d’identifier si cette méthode aurait un potentiel dans le suivi de la restauration ou de la minimisation du stress fœtalinduit par les TND.

En quoi est-ce innovant ? 

Ce projet est innovant sur plusieurs aspects. Premièrement, il repose sur l’idée qu’il existe des dérégulations communes de voies biologiques qui contribuent de manière importante au tableau clinique des TND. Ainsi, nous cherchons à utiliser ces voies biologiques, incluant les voies de réponses au stress, comme futur outil diagnostique. Cette approche bénéficiera aux patients atteints du syndrome de Rubinstein-Taybi (RSTS) mais également aux patients atteints d’autres TND. Deuxièmement, notre étude repose sur une idée nouvelle : identifier de manière très précoce des TND et suivre leur évolution grâce à des biomarqueurs de VE/exosomes neuraux fœtaux retrouvés dans le plasma maternel. Cela permettrait de proposer une prise en charge plus adaptée au plus tôt dans la vie de ces patients.

Quel peut-être l’impact d’un tel projet sur notre santé et celle de nos proches ? 

En caractérisant des outils de détection de TND à partir de modèles d’organoïdes cérébraux obtenus à partir de cellules de patients, nous sommes au plus proche des patients et participons directement au développement des outils diagnostiques. Le développement de ces outils servira au suivi des multiples phénotypes provoqués par une dérégulation des acteurs du stress. Plus généralement, la mise en place de tests de diagnostic précoce, non invasifs représente une avancée majeure dans la prise en charge des patients dès leur plus jeune âge, en permettant de minimiser l’impact des défauts neurodéveloppementaux chez les patients.

Nous collaborons avec l’association KSILINK (partenariat dans le cadre d’un projet financé par une ANR PRCE) qui utilisera son expérience et son réseau d’experts cliniques et R&D afin d’identifier des composés pharmaceutiques capables de réduire l’impact du stress. Leur effet pourra être testé rapidement grâce au développement de notre crible sur les vésicules extracellulaires et leur contenu moléculaire. Cette collaboration déjà en cours avec KSILINK permettra un excellent transfert de technologie et, plus tard, permettra de générer des emplois avec de potentielles retombées cliniques.

Quels sont les bénéfices à court/moyen/long terme sur la (les) population(s) ciblée(s) ?

A moyen terme, notre projet permettra de bénéficier d’un outil pour la détection précoce des changements cérébraux fœtaux associés à l’apparition potentielle de défauts neuro développementaux (TND tels que l’autisme, le syndrome d’alcoolisation fœtale, les troubles de l’attention et de l’hyperactivité, la schizophrénie) touchant notamment les voies de réponses au stress.

A long terme, cet outil permettrait d’agir précocement dans le cadre des grossesses à risques (exposition à des stress génétiques et environnementaux pour (1) mettre en évidence des acteurs susceptibles d’altérer le neurodéveloppement, (2) établir des moyens de prévention visant à suivre le déroulement du processus neurodéveloppemental chez le fœtus pour aider à la prise de décisions médicales et thérapeutiques.