De retour de mission dans le canton Valais, Yann Sivry nous explique son travail afin d'y étudier la répartition et la source des particules de taille nanométrique en zones supposées plus reculées et préservées
En quoi consistait votre dernière mission en novembre dernier ?
Nous sommes allés échantillonner de la glace mais aussi de l’eau de ruissellement et des sédiments pour essayer de retrouver une composition chimique des nanoparticules déposées au fil du temps dans les couches successives de glace. Notre interrogation de départ : Cette composition chimique est-elle propre à une source naturelle, comme on peut le supposer dans ce type de milieu, ou bien est-elle liée à une source humaine suite à un transport puis dépôt par voie atmosphérique (neige, pluie, dépôt éolien) ? Ou bien résulte-t-elle d’un mélande des deux ? Ici encore, comme dans notre projet NanObs, on cherche à tracer la répartition et la source des particules de taille nanométrique en zones supposées plus reculées et préservées.
Comment sont choisies les zones de prélèvements ? Quel est le cadre général de cette expédition ?
Cette expédition a été possible via le projet INSIDE THE GLACIERS, 2021 (ITG) porté par des équipes scientifiques italiennes, françaises et suisses dont l’Association Spélé’Ice et l’IPGP-UP. J’y participe pour étudier les nanoparticules et les autres équipes interviennent sur de nombreux autres sujets (relevés glaciologiques, études d’organismes extrêmophiles). ITG, c’est plusieurs missions entre aout et décembre, sur 8 différents glaciers. Un point important dans le cadre de ce projet, c’est d’avoir accès aux échantillons prélevés par toutes les missions sur tous les glaciers, car cela complète notre étude et donne une vision globale indispensable si l’on souhaite tracer les sources.
Comment se monte une telle mission ?
J’ai été directement sollicité pour participer à cette mission. C’est une opportunité que j’ai été heureux de saisir car cela rentre dans la continuité dans mes travaux passés et en cours et s’intègre directement dans le projet IDEX – NanoTrack financé depuis 2019. La pandémie a bien évidemment mis un coup de frein à cette dynamique et les conditions de voyage nous ont limités jusqu’à maintenant à ces missions dans les Alpes mais cela est finalement bénéfique et nous permet d’avoir une bonne vision des glaciers européens avant d’envisager des études dans des zones plus reculées (Groenland, Patagonie) d’ici quelques mois !
Quelles sont les conditions de recueil des prélèvements ?
Tant qu’il n’y a pas de tempête de neige, nous prélevons ! Nous y sommes allés au moment le plus propice, à l’automne lorsque le volume des eaux de fonte diminue et avant l’arrivée des plus grosses chutes de neige. Les conditions météo étaient bonnes dans l’ensemble. Nous étions entre 2000 et 3000 mètres d’altitude avec beaucoup d’air froid mais très honnêtement ce sont des moments forts, notamment la descente en rappel dans le puits !
Comment effectuez-vous vos prélèvements ?
Souvent, les scientifiques pratiquent des carottages à partir de la surface vers les profondeurs. Dans notre cas, accompagnés de spéléologues et des guides de haute montagne, nous descendions directement pour accéder aux différentes couches accumulées, pour y faire de petits carottages horizontaux de 20cm.
Quelles sont les perspectives pour 2022 ?
J’ai montré à mes équipiers comment prélever efficacement et je compte sur eux pour me rapporter des échantillons supplémentaires ! Si les résultats sont concluants, nous y retournerons en déployant un plan d’échantillonnage à une échelle plus importante.
Quel est l’état de nos glaciers et comment prendre soin de notre planète ?
C’est une évidence, l’état des glaciers est mauvais. La vision que l’on a sur place de leur évolution est très inquiétante et choquante.
Je n’ai pas de solution miracle pour prendre soin de notre planète, si ce n’est un concept de base qui peut s’appliquer autant à l’échelle individuelle que sociétale, qui est celui de limiter ou de recycler nos rejets, tous nos types de rejets.